samedi 16 mars 2024

MMDCLXXXIX : Les statues du Louvre : Série les personnages (20e volet) : Anne-Robert-Jacques Turgot par Pierre Travaux

 

Voici le 20e épisode de la série relative aux statues qui décorent la cour du Louvre. Il concerne la statue de Turgot que l'on peut voir dans la partie de l'aile Colbert  :

La statue de Montesquieu est la 2ème en partant de la gauche :

ou la 9e en partant de la droite :

Anne-Robert-Jacques Turgot apparaît aussi sur la façade de l'Hôtel de Ville de Paris (voir article du 26 mai 2011). 

Voici la notice que je lui avais consacré :

Anne Robert Jacques Turgot, baron de l'Aulne est né à Paris le 10 mai 1727. Il est le fils de Michel-Etienne Turgot, prévôt des marchands de Paris (qui a Paris est resté célèbre pour avoir commandé la mise au point du plan dit "Turgot").

Devenu conseiller au Parlement de Paris au début des années 1750, il se rapproche des économistes physiocrates. Il est nommé en 1761 intendant à Limoges. Il écrit plusieurs ouvrages dans lesquels il prône une réforme économique et fiscale de grande ampleur.

Cela lui permet, après l'avènement de Louis XVI, de devenir Contrôleur général des finanaces en juillet 1774. Il met assez rapidement en oeuvre son programme réformateur. Ses préconisations sont fort simples : « Point de banqueroute, point d’augmentation d’imposition, point d’emprunts. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen : réduire la dépense au-dessous de la recette". (voir la lettre écrite à Louis XVI datée du 24 août 1774).

Cependant la réorganisation du marché du blé dans un contexte de récolte peu abondante provoque des émeutes (un épisode surnommé la "guerre des farines").

Sa proposition en janvier 1776 de supprimer les corporations provoque une vague de mécontentement qui montre que la société d'Ancien Régime n'était pas prête à accepter des changements. Lâché par Louis XVI, Turgot démissionne en mai 1776.

Il meurt à Paris le 18 mars 1781.

La statue de Turgot au Louvre est une œuvre de Pierre Travaux né à Corsant (Côte d'Or) le 12 mai 1822 et mort à Paris le 19 mars 1869.

La statue a connu entre 2021 et 2022 un nettoyage qui a permis à la statue de retrouve toute sa splendeur :

On peut aussi comparer avec la statue de l'Hôtel de Ville qui elle a été sculptée par Alexandre Oliva

Précisons qu'en ce moment on peut pas faire la comparaison car à l'Hôtel de Ville la statue de Turgot fait partie de celles qu'on a jugé bon de masquer avec d'affreux panneaux à l'occasion des Jeux Olympiques (celle désignée par le n°8 sur la photo ci-dessous [voir article du 30 décembre 2023]) :

mercredi 13 mars 2024

MMDCLXXXVIII: L'impasse des Arbalétriers (Paris 3e) libérée de ses tags

 

L'impasse des Arbalétriers est une petite voie privée du 3e arrondissement (au niveau du 38 rue des Francs Bourgeois). Quand je fais des circuits dans Paris avec mes élèves pour évoquer le Paris médiéval et les rues à encorbellement, j'aime y conduire mes élèves mais la plupart du temps, les murs sont dégradés par des tags. Je profite donc d'une photo que j'ai prise le 21 février pour écrire ce petit article car en ce moment elle a été intégralement nettoyée. Je ne suis pas sûr que ça dure.

Cette petite voie privée n'est représentée ni sur le plan de Bâle des années 1530, ni sur les plan Tirgot des années 1730. Elle apparaît dans le plan cadastre Vasserot du début du XIXe siècle sous l'appelation d'un anonyme cul-de-sac :

Cette petite voie desservait l'hôtel Barbette qui se trouvait au Nord  (voir article du 23 mars 2023).

L'impasse a un aspect médiéval mais il semble que les encorbellements datent du XVIIe siècle.


samedi 9 mars 2024

MMDCLXXXVII : Le Musée de la Bibliothèque Nationale de France et ses spendides collections !

 

J'avais fréquenté la Bibliothèque Nationale de France de manière très furtive en 1993/1994 pour préparer mon mémoire d'histoire médiévale qui portait sur une source du XIIe siècle. Je ne gardais pas un souvenir particulièrement nostalgique de ma fréquentation de ce site.

Aussi, après le déménagement de tous les Imprimés à la Bibliothèque François Mitterrand ouverte en 1996, et après de longs travaux du site Richelieu qui ont conduit à la réouverture du site Richelieu en septembre 2022 (après 12 ans de rénovation), je n'ai pas fait partie de ceux qui se sont empressés d'aller visiter cet endroit dont je gardais un plutôt mauvais souvenir, et ce, malgré les nombreux commentaires élogieux de ceux qui l'avaient fait.

Or, dimanche dernier, Gennaro Toscano, conseiller scientifique à la Direction des Collection de la BNF, a eu la très grande amabilité de me faire découvrir ce site. Il s'agit bien pour moi d'une découverte car les lieux ont tellement changé depuis 1993/1994 que l'on a peine à imaginer à quoi ressemblait il y a 20 ans la BNF.

Je recommande vivement la visite. Cela permet d'admirer de superbes espaces mais aussi un musée composés d'objets archéologiques, de médailles et de manuscrits qui sont pour certains uniques. Je me suis risqué comme je l'ai déjà fait pour d'autres musées à une petite sélection personnelle de 10 "coups de cœur" parmi les collections.

La visite permet tout d'abord de découvrir la bibliothèque Labrousse dessinée par l'architecte Jean-Louis Pascal (1837-1920), à la fin du XIXe siècle. La forme ovale, les différents niveaux de rayonnage, l'éclairage et le mobilier moderne sont sublimes :



Ayant toujours eu une passion pour les escaliers, j'ai énormément aimé celui qui a été installé à la place de l'ancien pour accéder au 1er étage :

Les salles du musée ont été complètement rénovées pour mettre en valeur la collection. Dans un espace à dimension humaine (six salles en comptant l'immense galerie Mazarin), on peut voir l'ensemble de ce qui est présenté. On peut notamment admirer le salon Louis XV qui est une merveille du XVIIIe siècle :

Les peintures datent des années 1740 et sont des œuvres de François Boucher (1703-1770), Carle van Loo (1705-1765) et Charles Natoire (1700-1777) :

La salle la plus splendide est la galerie Mazarin due à un des plus grands architectes français, François Mansart (1598-1666) et qui a été construite de 1646 à 1648 :

Le plafond peint, d'une superficie de 280 m²,est un véritable joyaux. Il a été peinte par Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662) et Gian Francesco Grimaldi (1606-1680). Il représente des scènes de la mythologie gréco-romaine auxquelles je consacrerai un autre article :


Voici maintenant, dix objets, -je préfère le mot anglais 'artefacts'- que j'ai sélectionnés (certains suite à la passionnante visite par Gennaro Toscano et d'autres qui sont des coups de coeur personne) :

1. "Le caillou Michaux". Il s'agit d'un kuduru (charte de propriété) qui date du règne de Marduk-nadin-ahe (1100-1083 avant J.-C.) et qui a été découvert près de Bagdad en 1785. Cette pierre noire en akkadien est le premier document en écriture cunéiforme parvenu en Europe :

2. Amphore cinéraire provenant de Santorin en Grèce et qui date de vers 700 avant J.-C. : Une splendeur de l'époque archaïque grecque :

en voici un détail :

3. Une coupe provenant de Sparte (céramique à figure noire) qui date de 565/555 avant J-.C. et qui est très intéressante pour les programmes de français et d'Histoire de 6e. Elle représente l'aveuglement du cyclope Polyphème, un épisode de l'Odyssée (et donc des aventures d'Ulysse): 

4. Ciste dite de Bröndsted. Il s'agit d'une boîte en bronze avec sur le couvercle un personnage masculin et un autre féminin qui représente peut-être Persée et Atalante et qui contenait des objets destinés à la parure. C'est une petite merveille d'Art étrusque découverte à Préneste et qui date du IVe siècle avant J.-C. :

Cet objet m'a rappelé ceux que l'on peut aussi voir au musée Walters de Baltimore (voir mon article sur Héliosse 2). Le couvercle est une vraie merveille :

5. Buste de l'empereur Auguste qui date de vers 2 avant J.-C.. Ce camée en haut relief a été réutilisé à l'époque byzantine ce qui explique l'inscription en grec. J'ai toujours trouvé qu'Octave une fois devenu Auguste avait su s'entourer des meilleurs artistes pour promouvoir son image mettant en valeur tout à la fois une certaine simplicité mais aussi un sens de la dignité et de la majesté :  

6. Camée représentant l'apothéose de Claude et qui date de 54/55 après Jésus-Christ. L'empereur Claude qui a régné de 41 à 54 m'intéresse depuis très longtemps (grâce à une série télévisée de la BBC des années 1970 mais aussi depuis que j'enseigne l'histoire de la Grande-Bretagne puisque c'est ce souverain qui a décidé d'envahir en 43 la Britannia ) :

7. Le "trésor de Berthouville". Il s'agit d'un superbe ensemble d'objets en argent découverts près de Bernay dans l'Eure en 1830. Je n'avais jusqu'ici vu qu'un seul ensemble de ce genre à Augst en Suisse, je ne savais pas qu'il en existait un équivalent en France :

Ces objets -dont une grande partie datent du IIe siècle- étaient déposées dans un temple consacré au dieu Mercure qui est représenté par cette statue qui fait 60cm de haut :


8. Le trône dit "de Dagobert" date de la fin du VIIIe/ début du IXe siècle. Il était conservé jadis à la basilique Saint-Denis et a été préservé car il a été donné en 1791 par le roi Louis XVI au Cabinet des Médailles ce qui a évité sa disparition à la chute de la Monarchie en 1792. J'ai été content de retrouver ce siège que j'avais vu à l'exposition sur les Mérovingiens qui s'est tenue au Musée de Cluny en 2016/2017. Il est toujours amusant de revoir des objets dans des lieux différents. Le "trône de Dagobert" a retrouvé le superbe site qui lui sert de domicile depuis la fin du XVIIIe siècle :

9. Le jeu d'échecs dit "de Charlemagne". Il s'agit d'un ensemble impressionnant de pièces d'échecs qui date de la fin du XIe siècle et qui provient d'Italie du Sud (de Salerne ou d'Amalfi).. Outre la beauté des objets, je suis toujours émerveillé par les objets qui témoignent de la renaissance artistique et intellectuelle de la fin du XIe et du du XIIe siècle en Italie méridionale à l'époque de la domination normande à laquelle je me suis particulièrement intéressé pendant mes études d'Histoire :

Les cavaliers sont des témoignages superbes de l'époque de la chevalerie :

10. Enfin pour finir parmi l'impressionnante collection de monnaies et de médailles, j'ai choisi cette médaille que le roi Louis XIV a fait frapper en 1661 pour louer sa décision d'assister à tous ces Conseils et donc de diriger lui-même le gouvernement (je consacrerai un autre article aux médailles représentant le roi Soleil pour prolonger la série relative aux représentations de Louis XIV que l'on peut voir dans Paris Centre). 

Une médaille intéressante pour étudier la monarchie absolue en fin de 5e. J'ai pensé que l'on pourrait délivrer une copie de cette médaille pour toutes celles et ceux qui font preuve d'assiduité dans leurs fonctions !

J'espère vous avoir convaincu -si vous ne n'avez pas déjà fait- que la visite du Musée du site Richelieu de la BNF est un indispensable pour tous les amoureux et les visiteurs de Paris. Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h (avec une nocturne le mardi jusqu'à 20h).

En attendant, vous pouvez aussi regarder cette visite virtuelle privée du Musée par Gennaro Toscano mise en ligne sur le site de la BNF en octobre 2022

Pour ma part, j'y retourne très bientôt car en ce moment se tient une exposition dont toutes celles et tous ceux qui l'on visité parlent en plus grand bien et qui est consacrée à "L'invention de la Renaissance", un sujet sur lequel j'ai beaucoup travaillé car il était au programme de l'agrégation l'année où je l'ai passée.


jeudi 7 mars 2024

MMDCLXXXVI : Les rues de Paris Centre : La rue des Coutures Saint-Gervais... et la rue Sainte-Anastase : sur les traces de l'Hôpital Saint-Gervais

 

La rue des Coutures Saint-Gervais est une petite rue du 3e arrondissement. Elle fait 192m de long et relie la rue Vielle-du-Temple (à l'Ouest) à la rue de Thorigny (à l'Est). Elle longe l'Hôtel Salé où est situé le Musée Picasso.

Contrairement à ce que certains pourraient penser, elle n'a aucun rapport avec une quelconque présence de couturières dans ce quartier... 

Par contre, le nom permet d'évoquer une institution qui a joué un rôle important dans l'Histoire de Paris.

En observant le plan Turgot des années 1730, on se rend compte que la rue portait le nom de "rue de la Culture Saint-Gervais" :


Cela est confirmé par la plaque gravée (celle décidée par le lieutenant de Police Hérault en 1729 pour aider à se repérer dans Paris [voir article du 23 novembre 2011]) :

Pour connaître l'origine de ce nom, je me suis référé au Dictionnaire Historique et Administratif des rues de Paris de 1844 :

On y apprend ainsi que la rue a été percée en 1620 sur les "coutures Saint-Gervais". En observant le plan de Bâle du milieu du XVIe siècle on voit que cette partie de Paris était occupée par une zone qui n'était pas encore urbanisée :



Reste à savoir pourquoi "Saint-Gervais".

Cette terre était en en effet la propriété des Hospitalières Saint-Gervais ce qui nécessite aussi quelques explication.

Cet ordre est lié à la création de l'Hôpital Saint Gervais qui se troiuvait à côté de l'actuelle église Saint-Gervais-Saint-Protais dans la partie sud de l'actuelle place Baudoyer. On voit cet hôpital sur le plan de Bâle :

Cet hôpital avait été fondé en 1171 par un dénommé Carin Masson et son fils Harchet : ils avaient donné leur propre maison pour la création de cet établissement qui était le premier asile de nuit destiné à accueillir les vagabonds : les hommes pouvaient seulement y dormir et au maximum trois nuits consécutives.. Il fut initialement pris en charge par les frères hospitaliers de Saint-Gervais mais en 1300 l'hôpital fut confié à une congrégation féminine respectant la règle augustinienne qui prit le nom d'hospitalières Saint-Gervais.

On trouvait dans cet hôpital Saint-Gervais, une chapelle dédié à une dénommée Sainte Anastase sur laquelle je n'ai trouvé aucune information (on trouve de nombreux Saint Anastase mais une sainte du même nom est inconnue à ma connaissance).

Les terres situées à l'emplacement de l'actuelle rue des Coutures Saint-Gervais permettaient à l'hôpital de se financer.On trouvait au Nord-Est de Paris trois "coutures" : celle du Temple, celle de Sainte-Catherine (voir article du 24 janvier 2023 sur le Couvent Sainte-Catherine-des-Ecoliers) et celle de Saint-Gervais. Voici une carte qui montre la localisation de ces trois espaces cultivés dans Paris vers 1300 :

Dès la 2e moitié du XVIe siècle, la culture Sainte-Catherine a été vendu par le couvent pour être alloti (voir article du 3 juillet 2022). Les hospitalières Saint-Gervais en firent autant en 1620. C'est à cette époque que la Culture Saint-Gervais a été vendue.

Cette profitable opération immobilière a permis à cet ordre de réaliser un très bel achat : en 1656, les hospitalières de Saint-Gervais firent l'acquisition de l'Hôtel d'O situé rue Vieille du Temple entre la rue des Rosiers et la rue des Francs Bourgeois. Voici la localisation de cet hôtel sur un plan dessiné en 1970 par Jean-Pierre Babelon :

Cet asile de pauvre qui était beaucoup plus grand apparaît sur le plan Turgot sous l'appellation de "Sainte Anastase" :

 On voit encore mieux cet hôpital sur le plan Verniquet qui date de 1790 :

Cependant il semble que la chapelle Sainte-Anastase (sur l'ancien site de l'Hôpital) qui était située au niveau de l'église Saint-Gervais a été préservée : elle apparaît aussi sur le plan Turgot :

L'Hôpital de Sainte-Anastase rue Vieille-du-Temple a fonctionné jusqu'en 1795. Il a été détruit au début du XIXe siècle pour la construction du "Marché des Blancs Manteaux" (voir article du 3 avril 2023). Cela explique que l'on trouve à cet endroit la rue des Hospitalières-Saint-Gervais.

Un autre rue porte un nom en rapport avec l'ordre des Hospitalières Saint-Gervais. La rue qui est quasiment dans le prolongement de la rue des Coutures Saint-Gervais : la rue Sainte-Anastase :

Voici sur ce même plan Turgot les trois sites évoqués dans cet article : le 1 représente la localisation initiale de l'Hôpital Saint-Gervais, le 2 la localisation à partir de 1656 et le 3 la couture Saint-Gervais (avec les rues des Coutures Saint-Gervais et Sainte-Anastase) :